Pemetrexed et inhibiteurs de pompe à protons : bonne ou mauvaise idée ?

XVIIIes Journées du GPCO

Mathilde Bonnet1, Anne Jouinot2, Pascaline Boudou-Rouquette3, Benoit Bllanchet4, François Goldwasser3, Audrey Thomas-Schoemann5

1. Pharmacie clinique, Hôpital Cochin, Paris, France
2. Institut Cochin, INSERM U1016, Hôpital Cochin, Paris, France
3. Oncologie médicale, Hôpital Cochin, Paris, France
4. Unité Fonctionnelle de Pharmacocinétique et Pharmacochimie, Hôpital Cochin, Paris, France 5. Pharmacie clinique, oncologie médicale, Hôpital Cochin, Paris, France


INTRODUCTION

Le pemetrexed est un antifolate indiqué en monothérapie ou en association à un sel de platine dans le traitement des Cancers Bronchiques Non à Petites Cellules (CBNPC) et des mésothéliomes. Il entraîne fréquemment des toxicités sévères hématologiques, dont les facteurs de risque ne sont pas clairement établis. Les interactions médicamenteuses pourraient avoir un rôle dans la survenue de ces toxicités (comme celle bien décrite avec les Anti-Inflammatoires Non Stéroïdiens (AINS) ou moins évidente avec les Inhibiteurs de la Pompe à Protons (IPP)). L’objectif de cette étude est donc de déterminer s’il existe des facteurs de risque associés à une toxicité accrue au pemetrexed.

MÉTHODE

Cette étude rétrospective monocentrique inclut les patients traités entre juillet 2015 et décembre 2019, par pemetrexed seul ou en association au carboplatine (+/- bevacizumab). Les données démographiques, cliniques, biologiques et médicamenteuses des patients ont été collectées. Les patients présentant une toxicité grade 3 ou 4 selon la classification CTCAE (Common Terminology Criteria for Adverse Events) v4.0 ou une toxicité grade 2 engendrant une modification de prise en charge (hospitalisation, arrêt du traitement, diminution de dose) ont été inclus dans le groupe « Toxicité ». Des modèles de régression logistique uni- et multivariés ont été réalisés pour évaluer les facteurs associés à la survenue de toxicité.

RÉSULTATS ET DISCUSSION

Au total, 74 patients ont été inclus dans l’étude avec un âge médian de 67 ans (69 % d’hommes). Les patients étaient majoritairement traités pour un adénocarcinome bronchique (85 %) ; 57 % par carboplatine-pemetrexed, 28% par carboplatine-pemetrexed-bévacizumab et 15% par pemetrexed seul. Le nombre médian de comorbidités était de 1 [IQR 0-2]. Le nombre médian de médicaments par patient était de 6 [IQR 4-8]. Vingt-quatre patients (32 %) avaient une prescription d’Inhibiteurs de la Pompe à Protons (IPP). Aucun patient n’était traité par AINS. Trente-six patients ont présenté une toxicité (24 de grade 3-4 ; 12 de grade 2 avec modification de prise en charge).

En analyse univariée, 4 paramètres étaient significativement associés à un risque accru de déve- lopper une toxicité au pemetrexed : la clairance de la cystatine (p=0,0128), le taux de leucocytes (p=0,0435), l’albuminémie (p=0,0216), la prise d’IPP (p=0,0201). Seuls la clairance à la cystatine (p=0,0465) et l’albuminémie (p=0,0436) restaient significatifs en analyse multivariée.

La clairance à la cystatine diminuée et l’albuminémie basse pourrait être liées à une augmentation de la concentration du pemetrexed en lien avec un ralentissement de l’élimination rénale et/ou une dénutrition reflétée par ces marqueurs. Les IPP pourraient quant à eux inhiber les transporteurs rénaux (OAT3) responsables de l’élimination du pemetrexed, comme avec le méthotrexate. Une éva- luation du risque préalable à l’initiation du pemetrexed est donc primordiale, incluant notamment la réévaluation de l’indication des IPP lorsqu’ils sont co-prescrits.


Mots clefs : interaction médicamenteuse, toxicité, inhibiteurs de la pompe à protons, pemetrexed.