Diarrhée


 

En cancérologie et en phase palliative, c’est un problème moins fréquent que la constipation (10% des patients atteints d’un cancer avancé)

Définition

  • = émission de plus de 3 selles non moulées par jour.
  • Est dite chronique si elle dure plus de 4 semaines.

Grade

Grade (OMS)

0

Pas de diarrhées

1

De 2 à 3 selles/jour en plus du nombre de selles avant traitement

2

Augmentation de 4 à 6 selles ou selles nocturnes

3

Augmentation de plus de 7 selles/jour ou incontinence, ou nécessité de support parentéral pour déshydratation

4

Nécessité de prise en charge en soins intensifs ou collapsus

 

Etiologies en cancérologie

  • Médicamenteuses
  • Alimentation entérale
  • Occlusion
  • Radiothérapie
  • Fécalome (par regorgement)
  • Stress émotionnel ou psychologique
  • Malabsorption : tumeur du pancréas, résection iléale (100 cm), gastrectomie, fistule entéro-colique
  • Saignement gastro-intestinal
  • Trouble ionique : hypokaliémie, achlorhydrie
  • Tumeur rectale, tumeurs carcinoïdes, tumeurs gastro-intestinales
  • Erreur de régime alimentaire
  • Infectieuse : bactérienne, virale, parasitaire

Causes les plus fréquentes en fin de vie

  • Abus de laxatifs,
  • Problèmes infectieux.

Causes médicamenteuses

  • Laxatifs
  • Antibiotiques (C. Difficile et K. Oxytoca)
  • Antiacides
  • Acides biliaires
  • Médicaments à visée cardiaque : digitaliques, bétabloquants, inhibiteurs calciques
  • Diurétiques
  • Biguanides
  • Hypo-uricémiants
  • AINS

Antimitotiques : 5FU, xéloda, taxotère, irinotécan, topotécan, anthracyclines

Thérapies ciblées : tarcéva, lapatinib…

Cas de la radiothérapie

La radiothérapie abdominale ou pelvienne peut être responsable de diarrhée ; elle survient le plus souvent lors de la deuxième ou troisième semaine de traitement. L’irradiation antalgique sur la colonne peut parfois être également responsable de diarrhée

Complications et critères de gravité

Complications

  • Déshydratation
  • Malabsorption
  • Complications locales avec hémorroïdes et ulcération anale.
  • Dégradation de l’état général.

Critères de gravité

  • Diarrhées de grade 3 ou 4
  • Diarrhées de grade 1 ou 2 associé à au moins un des signes suivants :
    • Crampes abdominales
    • Nausées –vomissements de grade ≥ 2
    • Altération de l’état général
    • Fièvre, sepsis
    • Neutropénie
    • Saignement
    • Déshydratation

Clinique

Interrogatoire

  • Différencier la diarrhée vraie de
    • La fausse diarrhée du constipé
    • L’émission de selles liquides par incontinence anale
  • Ancienneté de la diarrhée
  • Aspect des selles
    • Glairosanglantes : diarrhée sécrétoire
    • Glaireuses, jaunâtres ou grises adhérentes à la cuvette : malabsorption
  • ATCD personnels et familiaux
  • Traitements médicamenteux

Examen clinique complet avec notamment

  • Examen rectal : tonus anal….
  • Les répercussions de la diarrhée : amaigrissement, signes carentiels, déshydratation…
  • Des éléments orientant vers une étiologie : signes d’hyperthyroïdie, hyperthermie….

Examens complémentaires

  • Objectifs
    • Evaluer les répercussions de la diarrhée (signes d’alerte
    • Rechercher une étiologie.
  • Leur indication et leur réalisation dépendra bien sûr du stade de la maladie.
  • En première intention
    • NFP, VS, CRP, ionogramme, urée, créatinine, calcémie, phosphorémie, bilan thyroïdien, protidémie, bilan hépatique, albuminémie, temps de quick, TP, fer sérique sérologie VIH après accord du patient,
    • Examen parasitologique des selles (3 jours de suite),
    • Coprocultures avec recherche de clostridium.
  • En seconde intention
    • Les examens seront complétés selon le pronostic et l’état général du patient.

Remarques :
En ce qui concerne les coprocultures, l’isolement de certains germes (E. Coli, Staphylocoques, candida) a peu de valeur pathologique.
La recherche de salmonelle, yersinia, shigelle, campylobacter est systématique.
Par contre, les recherches de clostridium dificile ainsi que de klebsiella oxytoca et de E. coli 0157.H7 ne sont pas réalisées systématiquement et doit être précisée.
Les sérologies salmonelle, yersinia, campylobacter, shigelle sont disponibles.

Prévention

Selon les recommandations de la MASCC peuvent être utilisés en prévention :

  • Amifostine pour la prévention des oesophagites induites par la radiothérapie du cancer du poumon à petites cellules (niveau de preuve III) et les proctites radiques (niveau de preuve II, à la dose > 340 mg/m2).
  • La sulfasalazine per os (500 mg deux fois par jour) dans la prévention des entérites in-duites par la radiothérapie pelvienne (niveau de preuve II).
  • L’utilisation de probiotiques contenant du lactobacille dans la prévention dès la diarrhée chez les patients recevant une chimiothérapie et/ou une radiothérapie pelvienne (ni-veau de preuve III)

Traitement

La conduite à tenir (annexe n°1) et la liste des principaux anti-diarrhéiques utilisés en pratique et leurs règles de prescription sont présentées en annexe (annexe n°2) à la fin du chapitre.

Traitement étiologique dès que possible. Associé à des conseils diététiques et à une réhydratation.

En l’absence de diarrhées infectieuses, les ralentisseurs du transit type lopéramide peuvent être utilisés. On peut y associer des antisécrétoires intestinaux et/ou des pansements digestifs.

En cas de diarrhées graves chimio-induites

  • anti-diarrhéiques classiques type lopéramide.
  • si échec : l’octréotide (hors AMM) à la dose optimale qui reste à déterminer ; doses initiales de 100-150 μg SC eux fois par jour en cas de chimiothérapie d’intensité standard ou élevée, associée à une greffe de cellules souches (niveau de preuve II selon les recommandations de la MASCC)

Cas particuliers de la radiothérapie :

  • Lavements possibles à base de sucralfate en cas de proctite radiques avec saignements rectaux (niveau de preuve III)
  • Pas d’intérêt au sucralfate per os

En cas de diarrhée à clostridium

  • Isolement du patient. Levée de l’isolement 48 heures après disparition des signes cliniques.
  • Le metronidazole (flagyl) n’a plus du tout sa place il faut bannir son utilisation dans cette indication
  • La fidaxomycine 200mg 2 fois par jour pendant 10j est le traitement de référence en première intention
  • La vancomycine garde sa place en po en alternative
  • Pas de nécessité de contrôler la coproculture si l’évolution clinique est favorable.

En cas de syndrome carcinoïde, on aura recours à l’octréotide.

Diarrhées et chimiothérapie :

Penser à remettre systématiquement une ordonnance d’anti-diarrhéiques au patient avec certains anti-émétiques lorsque le risque de diarrhées est important (Xéloda®, 5 FU, tarcéva®, giotrif®, irinotécan).

Se méfier d’un déficit en DPD en cas de diarrhées importantes sous xéloda ou 5FU

Irinotécan et diarrhées : sous irinotécan, la diarrhée peut survenir au moment de la perfusion par syndrome cholinergique, le traitement est alors à base d’atropine ; ou de façon retardée dans les 5 à 7 jours qui suivent l’administration du médicament, le traitement sera alors basé sur l’utilisation d’anti diarrhéiques classiques

ANNEXE N°1 : CONDUITE A TENIR EN CAS DE DIARRHEES



ANNEXE N°2 : PRINCIPAUX ANTIDIARRHÉIQUES

 




Références

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